Quel bien-être dans un monde accéléré-Blog

Pistes de réflexion.

Dans la frénésie de nos quotidiens modernes, les témoignages se multiplient : burn-out, AVC, corps poussés à leurs limites… Cela soulève une interrogation cruciale : ces cas sont-ils le résultat manifeste d’une inadéquation entre nos modes de travail et nos besoins fondamentaux ?

La pression d’une productivité accrue, juxtaposée à la réduction des effectifs et à l’intensification des charges de travail, semble nous mener à une impasse. Est-il alors envisageable de concilier bien-être et exigences d’un environnement de travail qui s’accélère sans cesse, ou doit-on se résoudre à l’abandonner, tant il est hypocrite ?

Vitesse grandissante : des impacts notables sur le cerveau

La rapidité avec laquelle les informations nous parviennent et à laquelle nous sommes censés réagir impacte profondément notre cerveau. L’accélération de l’accès à l’information, largement due aux avancées technologiques notamment de l’information et de la communication, modifie nos habitudes de consommation et redéfinit les attentes, créant ainsi une pression constante pour agir et décider rapidement.

Ce rythme effréné conduit à une surcharge d’informations, nous rendant responsables, souvent malgré nous, d’un flux incessant de données. Cette infobésité peut paralyser nos fonctions cognitives, limitant notre capacité de concentration et de réflexion approfondie, et peut même affecter les aires cérébrales dédiées à l’analyse complexe et à la pensée stratégique1. De même, le multitâche, fréquemment valorisé dans les environnements professionnels, peut en réalité nuire à nos capacités intellectuelles2. Jongler continuellement entre différentes tâches peut diminuer l’efficacité et la qualité du travail accompli. Des études ont révélé que le multitâche peut réduire la mémoire et la concentration, tout en augmentant les niveaux de stress3. En parallèle, la surcharge cognitive force notre cerveau à traiter et à filtrer des quantités d’informations souvent bien au-delà de ses capacités naturelles, ce qui peut conduire à une réduction de notre durée d’attention4 et à un apprentissage superficiel plutôt que profond. Cette dépendance aux stimulations constantes peut altérer la capacité de se concentrer sur des tâches de longue haleine et de savourer des moments de tranquillité. En conséquence, stress et anxiété s’accroissent sous la pression de rester constamment connecté et réactif. La fatigue mentale s’ensuit, diminuant la productivité et l’efficacité globale.

1CHE Jingshang, SUN Hailong, XIAO Chenjie, LI Aimei. Why information overload damages decisions? An explanation based on limited cognitive resources[J]. Advances in Psychological Science, 2019, 27(10): 1758-1768.

2Rosen, C. (2008). The Myth of Multitasking. The New Atlantis, 20, 105–110. http://www.jstor.org/stable/43152412

3Carrier, L. M., Rosen, L. D., Cheever, N. A., & Lim, A. F. (2015). Causes, effects, and practicalities of everyday multitasking. Developmental Review, 35, 64-78.

4Fox, J. R., Park, B., & Lang, A. (2007). When Available Resources Become Negative Resources: The Effects of Cognitive Overload on Memory Sensitivity and Criterion Bias. Communication Research, 34(3), 277-296.

Le paradoxe de la lenteur créée par l’accélération

Un paradoxe étrange émerge alors : l’accélération constante et la nécessité de réagir instantanément semblent avoir entravé la capacité des dirigeants à prendre des décisions.

Submergés par une cascade incessante d’urgences, les décideurs trouvent peu d’opportunités pour une pause stratégique, car l’action et l’exigence des résultats concrets immédiats occupent le devant de la scène, éclipsant souvent la réflexion nécessaire à long terme. Il en résulte une sorte de gavage informationnel, où de multiples sujets sont traités de front sans une hiérarchisation efficace, créant un encombrement qui, contre toute attente, ralentit le rythme de l’organisation au lieu de l’accélérer.

La question se pose alors : pourquoi les décideurs ne décident plus ? La réponse est peut-être qu’ils ne sont plus évalués sur leur capacité à choisir judicieusement, mais plutôt sur leur aptitude à maintenir une allure soutenue, à démontrer qu’ils ne perdent pas une seconde, que tout est sous contrôle, sans place pour l’erreur. La décision implicite – qui en réalité n’en est pas une – devient alors de privilégier la vitesse à tout prix. Les priorités sont reléguées au second plan, les décisions stratégiques sont reportées pour une action immédiate, même si quelques minutes de réflexion pourraient souvent suffire à établir un cap plus clair et efficace.

Dans un monde où chaque sujet semble revêtir une urgence égale, les organisations se trouvent engorgées, la machine ralentit, rien n’étant défini comme plus crucial que le reste. Les outils permettant d’évaluer la charge de travail face à un objectif spécifique sont délaissés, et peu d’organisations prennent le temps de mesurer véritablement l’ampleur de leurs tâches. Paradoxalement, en cherchant à accélérer sans cesse, nous devons réapprendre l’art de ralentir pour pouvoir décider plus prudemment et avancer plus sûrement.

Ralentir, oui mais comment ?

Entraîner son cerveau à être présent

Le cerveau, grâce à sa plasticité, peut développer de nouvelles stratégies pour gérer l’information et les tâches. Reconnaître ces défis est le premier pas vers une meilleure gestion du temps et de l’attention, avec l’adoption de techniques telles que la pleine conscience et des méthodes de travail plus structurées pour contrer ces effets délétères.

La pleine conscience est une technique concrète qui peut être intégrée dans la routine quotidienne pour aider à mieux gérer les défis du travail. Ainsi, nous pouvons apprendre à être pleinement présents, renforçant ainsi notre capacité à se concentrer et à prendre des décisions plus réfléchies.

Ré-apprendre à prioriser et déprioriser

Dans un monde où la vitesse est souvent synonyme de succès, nous sommes constamment poussés à prioriser certaines tâches au détriment d’autres. Pourtant, ce n’est pas tant la vitesse qui est en cause, mais notre capacité à hiérarchiser efficacement nos actions. Nous sommes formatés à vouloir les choses rapidement, sous des délais serrés qui sont souvent difficiles à respecter. Pourquoi cette précipitation ? Parce que la culture du « tout, tout de suite » est profondément ancrée dans nos pratiques professionnelles et personnelles.

Il est impératif de réapprendre à prioriser, mais également à déprioriser. Cela signifie accepter que certaines tâches peuvent attendre, ou même être abandonnées, au profit d’autres plus essentielles et stratégiques. Ce n’est pas de la procrastination, c’est de la gestion stratégique des priorités.

Laisser la place à l’Humain

Les salariés, pris dans la tourmente du quotidien, n’ont souvent pas le temps de s’arrêter pour absorber les informations nécessaires à la compréhension d’une transformation en cours. La frénésie de consommation de contenu, d’e-mails, de réunions enchaînées, crée un environnement où l’arrêt paraît impossible. 

Une clé réside pourtant dans un outil simple, devenu paradoxal dans sa rareté : l’évaluation de la charge de travail en fonction des objectifs fixés. Cette pratique, bien que fondamentale, est souvent reléguée au second plan, laissant place à une désorganisation où le volume de travail n’est plus en adéquation avec les capacités réelles des équipes.

Autre piste dans la gestion de projet : se poser les bonnes questions. Quels seront les rôles de chacun ? Quelle méthodologie adopter ? Quelle sera la feuille de route, adaptée aux capacités de l’équipe ? L’adoption d’outils tels que la matrice RACI peut clarifier la distribution des tâches et des responsabilités. 

En somme, dans un monde où la vitesse est reine, le bien-être semble être relégué au rang d’utopie. Toutefois, nous croyons fermement qu’il est possible de le réintégrer par une transformation holistique des pratiques en entreprise. En reconnaissant les défis et en mettant en œuvre des stratégies concrètes, nous pouvons naviguer dans cette accélération, parfois la remettre en cause, tout en préservant notre intégrité physique et mentale. La transformation est à notre portée, pour peu que nous osions remettre en question nos priorités et redéfinir nos méthodes de travail.

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