« Les valorisations de la plupart des start-ups ont chuté d’environ 30 % »
La croissance et la pérennité des start-ups dépendent d’un écosystème financier complexe, que la pandémie de Covid-19 n’a pas épargné. Pire, elle en a révélé l’extrême fragilité. Il faut bien avouer que le virus n’en finit pas de bousculer les règles de notre monde. L’ancien semble déjà lointain, le présent est trouble et le futur ne se dessine pas encore. La crise sanitaire actuelle apporte une preuve concrète et flagrante de la dimension VUCA du contexte dans lequel nous vivons tous et dans lequel Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity font la loi. L’annonce des trois phases « avec des si » du Président de la République mardi dernier en est la parfaite illustration.
Conscient des vastes enjeux économiques, l’État justement a mis en place un ensemble de plans d’aide à la relance pour soutenir les entreprises en consolidant leurs capacités de financement ou en assouplissant les délais de paiement des charges sociales. Des mesures efficaces qui ont contribué à la survie d’un grand nombre de start-ups, mais insuffisantes. Ainsi, les valorisations de la plupart des start-ups ont chuté d’environ 30 % quand, parallèlement, celles des GAFA continuent de flamber : Tesla vaut désormais plus de 500 milliards de dollars en Bourse et Apple autant que le CAC40 !
Les start-ups, dépendantes de leurs partenaires de financement
Pour bien comprendre le financement des start-ups, la première chose à retenir est qu’il met en relation des acteurs nombreux et variés aux cultures radicalement différentes que ce soient les investisseurs familiaux, les venture capitalists, les business angels, les grandes entreprises — à la fois investisseurs et clients — ou encore les incubateurs.
Les incubateurs se heurtent aux limites de leur modèle
Bien avant la crise, le modèle des incubateurs se trouvait déjà en difficulté. Leur principe de financement varie, mais globalement il est le suivant : les start-ups les rémunèrent en cash et/ou actions en échange de locaux, de contacts commerciaux ou de formations. Aux dires des patrons de start-ups, ce système s’est révélé onéreux, et le retour sur investissement peu élevé, les incubateurs ayant souvent tendance à se focaliser sur les deux ou trois pépites du portefeuille. Aujourd’hui, les incubateurs qui résistent sont ceux qui bénéficient d’une assise financière solide ou qui sont issus de grands groupes tels que Station F financé par le multimilliardaire Xavier Niel ou le Village by CA créé par le Crédit Agricole. Tandis que The Family, The Refiners, NUMA et tant d’autres ferment boutique, réduisent la voilure ou pivotent…
Les grandes entreprises naviguent entre deux eaux
Après des années d’accélération, les acquisitions de start-ups par les grandes entreprises ont marqué le pas depuis le premier confinement. L’objectif était évident : préserver leurs liquidités. Mais la crise sanitaire a aussi démontré leurs immenses besoins de digitalisation.
Et comme les start-ups sont en mesure de les accompagner de manière agile et économique sur ces sujets, start-ups et grandes entreprises vont devoir encore plus avancer main dans la main dans les prochains mois et années.
Les financiers passent du frein à main à l’accélérateur
Pendant les premiers mois du confinement, les venture capitalists, investisseurs familiaux («family office ») ou encore business angels ont fait le choix de l’attentisme. Tous ont donné la priorité à la sécurisation de leurs participations existantes ou au « wait and see », portant un coup d’arrêt assez net aux financements de nouveaux projets. Néanmoins la situation devenait paradoxale, car l’argent disponible (« powder money ») n’a jamais été aussi important et on constate d’ailleurs depuis quelques semaines un rebond des levées de fonds, dont certaines conséquentes en terme de montant comme Mirakl.
Quel pari pour l’avenir ?
Face à la crise sanitaire, les start-ups se sont adaptées de façon beaucoup plus fluide que les entreprises dites « traditionnelles ». Et, si celles-ci mènent des réflexions de fond sur leurs méthodes de travail et de management, elles vont avoir besoin des compétences digitales des start-ups. Aussi, le leadership, dans sa dimension la plus authentique, va occuper un rôle central pour connecter les énergies, mettre les équipes en lien et en cohésion avec leur environnement et pour intégrer la prise de risque dans le quotidien de toutes les entreprises.
Loin d’être alarmiste, je constate avec lucidité que cette crise nous ancre tous dans la réalité du monde actuel : nous allons devoir vivre avec l’incertitude et le « retour à la normale » n’aura pas lieu. Les lignes doivent bouger à l’intérieur des entreprises, start-ups et grandes entreprises confondues. L’avenir s’annonce riche de nouvelles perspectives et il est très probable que l’activité devrait repartir en 2021. Reste simplement à en découvrir les règles et formes ! Et avec cette conviction renforcée que l’humain et le culturel seront encore plus au cœur de ce « monde d’après ».
Co-fondateur de Connection Leadership, Patrick Hoffstetter a occupé pendant 30 ans de nombreux postes, tant dans de grands groupes internationaux qu’au sein de GAFA et startups.