John Lennon a dit : « La vie c’est ce qui arrive pendant que vous avez prévu autre chose. » Ces deux dernières années, j’ai goûté un peu de la vérité de son constat.

Alors que je venais de vivre plusieurs années d’exploration intérieure épanouissante, avec le sentiment d’avoir découvert ce qui était pour moi l’essentiel de la vie, et dans une période professionnelle expansive avec la publication de mon livre « Réveiller sa vie par la méditation de pleine conscience, » la participation à la conférence USI en 2018, et une grande envie de partager avec les autres mes approches… d’un coup sont venus quelques événements sur le plan personnel qui m’ont secoué… et s’est ensuit une période de grand questionnement.

Une période d’accomplissement professionnel

Cela a continué à devenir une période d’accomplissement professionnel. Notamment, avec Patrick Hoffstetter, nous avons entrepris un grand projet multi-chantier de transformation business, digitale, et culturelle d’une entreprise. Pendant deux années, nous avons mis tout ce qu’on avait appris et compris à travers nos carrières dans un espace commun de dialogue et d’innovation, et nous nous sommes entourés d’experts aguerris et engagés. Dans notre quotidien, avec les 50 consultants et coachs qui nous ont accompagné, c’était des centaines de sessions de co-création, de co-construction, de co-animation, de débrief, de réajustement, de recherches. Nos clients ne pouvaient même pas imaginer ce qui s’est passé derrière le rideau – comment nous nous sommes creusés la tête du matin au soir pour craquer les problèmes, tous les ajustements, tout le management de nos propres forces afin de faire une équipe la plus unie possible à leur service. Nous avons créé, créé, créé, créé. Les plus créatifs parmi nous avaient une rare combinaison d’expérience et d’humilité. Stimulés par le groupe, ils étaient capables de plonger dans l’ultracomplexité, et trouver les fils à tirer. Tout au long, nous n’avons jamais cessé de nous remettre en question, à faire du « troubleshooting » sur tout ce qui nous empêchait à suivre nos feuilles de route. Nous avions entre nous une exigence assez exaltante, d’aller sur les champs où nous n’étions pas encore aller, d’être performants ensemble.

A la fin de ce projet, nous étions nombreux à nous sentir nous-mêmes transformés. Beaucoup nous ont dit, en interne chez nous et chez le client, qu’ils n’avaient jamais vécu une expérience pareille. Les résultats étaient présents à tous points de vue, mais ce qui s’est passé au niveau humain était le plus intéressant à mon avis. Les connexions, la révélation de potentiels bien cachés, notre capacité à nous tous à aller vers des expériences positives, résolument collectives, avec plus de sens.

Une remise en question

Dans le relatif calme de l’été, j’ai fait le point sur les images de cette transformation. L’enthousiasme, le courage, et l’engagement de nos clients qui se sont laissé embarquer dans l’aventure de la transformation par nos équipes. La passion et le drive impressionnants de ce PDG qui ne comptait rien lâcher pour arriver à donner un avenir à son entreprise.

Pendant cette période où à la fois, je me remettais en question personnellement et je codirigeais cet énorme projet professionnel, ma pratique de mindfulness m’a suivi comme un chien mal nourri. Les opportunités de pratique étaient nombreuses, mais souvent quand je me tournais vers l’intérieur, j’observais tous mes problèmes non-résolus et mes fondements philosophiques en branle. Pour les méditants, nous savons que cette lucidité piquante fait partie de la pratique. J’ai pu observer tout l’intérêt de la pratique de la mindfulness… à chaque idée en partage, à chaque décision stratégique, à chaque prise de parole, j’ai senti l’appel ou la possibilité de me recentrer, à tendre vers plus de justesse. J’ai pu partager mon véritable état intérieur avec mes collègues lors de nos sessions de mindfulness, de yoga, ou de cercles de parole. J’ai reçu du soutien et l’invitation de m’appuyer sur certains en cas de besoin.

A travers le filtre de mes propres difficultés, et avec une grande sensibilité, j’ai aussi pu observer à quel point nos vies professionnelles sont touchées par la souffrance. Nous emportons au travail le poids de nos vies personnelles, mais pas seulement. Nous vivons aussi, sans pouvoir en parler avec authenticité, énormément d’émotions éprouvantes dans notre quotidien au travail.

Je ne crois pas personnellement que cela est spécifiquement à cause de l’entreprise – c’est certes un débat intéressant… mais je voudrais attirer l’attention sur autre chose…

Je pense que cette souffrance est plus profonde. Tant d’inconscience guide nos mouvements de vie, car nous avons très peu d’espace pour explorer qui nous sommes, pourquoi nous sommes là, en quoi nous sommes importants, comment nous pouvons contribuer. Au contraire de certains thought leaders dans le mouvement « l’entreprise et le développement personnel sont absurdes » – je trouve que l’entreprise est un lieu idéal pour apprendre à se connaître. Dans une étude de HBR datant de 2018, 90% des professionnels recherchent davantage de sens et de connexion dans leur vie professionnelle, une véritable clé pour retenir les talents.

Nous y passons tellement de notre précieux temps et énergie, nous impactons par notre parole et nos actions tellement de personnes – nos collègues et nos clients – sans mentionner l’effet qu’on peut avoir à travers l’entreprise sur la société et notre planète. S’il y a un endroit qui mériterait qu’on explore davantage nos complexités et qu’on répare notre relation avec nous-mêmes et avec les autres, c’est l’entreprise.

De notre expérience à Connection Leadership, la co-création d’une expérience plus profonde et pleine de découvertes est véritablement recherchée par les salariés. Notre client, pendant un programme de transformation irrigué par un travail sur l’intelligence émotionnelle, a noté une chute d’absentéisme. La très grande majorité des salariés sont eux-mêmes en quête de plus de connexion à soi, et ont exprimé une grande satisfaction envers les personnes qui leur ont permis d’explorer le leadership à tous les niveaux de l’entreprise.

C’est pour cela qu’en cette période de remise en question économique, que je voudrais encourager les décideurs à tenter un travail plus profond et plus holistique pour cultiver leur leadership. Je les encourage aussi à ouvrir encore davantage l’entreprise aux pratiques, aux accompagnements, aux méthodes qui permettent aux professionnels d’explorer le sens de l’expérience humaine.

Betsy Parayil-Pezard

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